Juste après la vague

De Sandrine Colette, publié en 2018

présenté par Michel NOUGIER

 

Quelque part sur la planète, au sommet  d’une colline toute proche de la côte océane, une famille de onze personnes (un couple Pata et Madie et ses 9 enfants) vit tranquillement. Les trois aînés et les trois benjamins sont d’une constitution robuste. Malheureusement, entre ces deux groupes d’enfants, les trois puînés sont handicapés. Louie est boiteux, Perrine est borgne, et Noé souffre de nanisme. Pour autant, la vie est belle et tout va bien dans le meilleur des mondes.

Ces temps derniers, le climat s’est bien quelque peu infléchi et de temps en temps, quelques violentes tempêtes, et même des ouragans, s’abattent sur le rivage. A leurs sujets, des rumeurs annonciatrices de catastrophes courent chez les anciens, mais personne n’y prête attention et nul ne s’inquiète vraiment.

 

Un jour pourtant, très loin de la côte, au sin des profondeurs abyssales, une première paroi d’un immense volcan sous-marin endormi  s’effondre provoquant une vague gigantesque et meurtrière. Le phénomène reste étrange et inquiète la population quand tout à coup, les autres parois ébranlées par l’éboulement de la première muraille s’affaissent et s’écroulent avec une violence inouïe. S’ensuit alors un terrible tsunami  qui submerge les terres et emporte tout dans son sillage. Après le passage de la vague dévastatrice qui s’est enfoncé de plus de 500 kilomètres dans les terres, il ne reste rien sinon un paysage apocalyptique d’où émergent quelques îlots comme la colline où vit notre couple et ses enfants, miraculeusement protégé.

 

Il règne une atmosphère de fin du monde. Mais notre famille de survivants garde espoir. Tout notre petit monde  espère bien que les secours vont arriver, que les eaux vont se retirer peu à peu et que tout rentrera dans l’ordre. Malheureusement, six jours après l'effondrement du volcan, le niveau de l’océan est encore monté. L’eau potable commence à manquer. Désormais, la maison qui abrite nos personnages menace ruine. Les quelques bateaux qui passent au large ne s’arrêtent pas, malgré les appels et les signaux qui leurs sont adressés.

Après une longue analyse de la situation qui apparaît comme désespérée, le père prend la décision de quitter sa terre qui est devenue une île. Pour cela il va réparer la vieille barque qui servait surtout à amuser les enfants et que les éléments ont partiellement épargnée.  L’embarcation est endommagée mais il est encore possible de la rafistoler. Quoi qu’il en soit, il n’a pas d’autre choix.  Muni d’une carte, il calcule qu’il va lui falloir environ onze à douze jours de navigation pour atteindre une ville située sur un point géographiquement haut. Il engage donc son épouse à préparer les vivres nécessaires.

 

Tout est prêt, c’est le moment de partir. Mais ce que l’on n’a pas dit et que l’on a voulu ignorer jusqu’à présent, devient une évidence. La barque est trop petite pour emmener tout le monde.  Une décision cruciale et pratiquement inhumaine reste à prendre, quels enfants embarquer et quels enfants laisser avec l'espoir de revenir les rechercher ?

Sans doute pour des raisons pratiques liées à la performance physique, les trois enfants handicapés vont devoir rester sur l’île.

 

Après le départ du bateau,  (extrait) « Noé s'agenouille le premier. Il appelle sa mère. Perrine s'assied à côté de lui, le prend dans ses bras. Louie s'ajoute. Tous les trois ils se tiennent ensemble, mains serrées, blanchies par l'énergie qu'ils mettent à se promettre en silence de ne pas se quitter. Trois petits êtres qui pleurent joue contre joue, avec des mots en sanglots que le vent emporte.

Ils ont peur. Ils ne savent pas qui le dira le premier : pourquoi les parents les ont-ils laissés ? [...]

- Pourquoi pas les autres et pas eux ?, demande Noé.

- Je ne sais pas, murmure Louie.

Perrine renifle sans quitter l'horizon du regard, comme si elle pouvait voir les parents sur la barque, là-bas sur l'eau. De sa petite voix claire, elle répète la même chose que Louie :  Je sais pas.

- Parce qu'on fait des bêtises ? interroge Noé.

Silence. Peut-être qu'ils réfléchissent. Noé reprend.

- Parce que je suis trop petit, que Louie a une jambe malade et Perrine un seul œil, c'est pour ça qu'ils nous ont laissés ? Parce qu'ils ne nous aimaient pas ? Au même instant, ils répondent dans un souffle.

- Non, dit Perrine.

- Oui, dit Louie. »

 

Aucun répit ne sera laissé à cette famille écartelée. Celle affrontant la mer, bravant les éléments au cours d’une épopée  maritime aux rebondissements  multiples. Celle restée sur la colline devenue une île, les yeux tournés vers l'horizon, avec l'espérance de ne pas avoir été abandonnée.

 

Captivant jusqu’aux dernière pages, ce roman nous plonge dans une ambiance de plus en plus oppressante et glaciale.  Englouti dans ce récit à la fois émouvant et  terrifiant, le lecteur ne peut rester insensible.

Un livre émouvant passionnant à lire absolument.

 

                                                                                                              Michel NOUGIER