Au-delà des apparences

de de Marylise Trécourt (Publié en 2022)

Présenté par Michel Nougier

 

Un roman court au synopsis dynamique, bien écrit,  émouvant, parfois drôle et surtout plein de tendresse.

 

Nous somme à Nice le 9 février  1990, il est une heure et demi du matin. Etienne, 42 ans, contrôleur de gestion, aux tempes grisonnantes, à la bedaine naissante et au sens de l’humour approximatif, est un homme sérieux, appliqué et ultra conformiste.   Comme d’habitude, il ne trouve pas le sommeil.  En fait, il analyse sa vie et la trouve complètement insipide. Son mariage sombre dans une horrible routine et s’apparente davantage à une sorte de vie en colocation entre sa femme et ses deux filles. Comment pourrait-il changer tout ça ? Cette question l’agresse mentalement et son cœur bat très vite. 

A sept heures trente, le même jour, Camille,  l’épouse d’Etienne, se demande pourquoi son mari ne se lève pas. Elle l’appelle en vain. Elle aussi se rend compte de la platitude de ses sentiments pour son conjoint qu'elle a pourtant passionnément aimé, mais dont elle s'est doucement éloignée au fil du temps. Avec ses pantalons de costume toujours froissés, sa calvitie naissante et ses lunettes démodées, elle n’éprouve plus grand chose pour lui. Pourtant, ils restent ensemble. Est-ce à cause des enfants, des convenances, du quand dira-t-on ? Elle s’impatiente et revient dans la chambre. Elle soulève les draps et constate le drame. Etienne est décédé. Son cœur a lâché.  Elle vient de perdre son mari.

Lors des obsèques, il y a du monde. Outre  les collègues de travail du couple, les parents de Camille qui sont des gens un peu hors normes et légèrement illuminés, sont présents aux  côtés de l’excentrique tante Amélia et de surtout l’odieuse mère d’Etienne, une femme snob, guindé, autoritaire et pleine de préjugés.

Curieusement, la jeune veuve se rend compte qu’elle n’éprouve pas vraiment de chagrin et lors de la réception donnée après l’enterrement, elle trouve l’atmosphère de la maison si  étouffante  qu’elle décide de quitter momentanément  ses invités. Elle a besoin de prendre l’air, de marcher dans la ville, de penser à autre chose. Au cours de son périple, elle s’assoit à la terrasse d’un café. Elle regarde nonchalamment le spectacle de la rue. À la table d’à-côté, un homme l’observe. Elle s’en aperçoit et le regarde. Grand, mince, musclé, l’air décontracté, le menton volontaire, elle ne sait pas pourquoi mais elle le trouve beau. Ses yeux sont clairs et son sourire lumineux. Lorsqu’il s’adresse au serveur, elle constate que sa voix est à la fois virile et douce. En un mot comme en mille, elle  est manifestement troublée. Se sentant fautive, elle détourne les yeux en se reprochant le sentiment qui  semble naitre en son cœur. A la suite d’une sorte de quiproquo presque cocasse, le beau jeune homme engage la conversation et arrive à lui offrir un café. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Romain. Un aimable bavardage s’engage au cours duquel chacun des interlocuteurs se dévoile un peu sur sa vie privée. Elle lui déclare qu’elle est infirmière et pour sa part, il lui révèle qu’il est professeur de danse. Quand, au moment de régler les consommations, il l’appelle par son prénom et lui de demande de la revoir,  Camille est confuse. « Ses jambes se dérobent, nous dit l’auteur. Elle doit s’accrocher au rebord de la table pour ne pas risquer de glisser comme une crêpe sur le sol. Son cœur bat à tout rompre. Cela faisait des millénaires qu’elle n’avait pas ressenti de telles sensations. Elle a soudain d’étranges papillons dans le ventre et ses mains sont en feu…. ». Elle s’affole,  se lève d’un bond et s’enfuit.

Alors qu’elle revient chez elle, une lancinante  question lui taraude l’esprit. Qui est ce séduisant et mystérieux inconnu qui a si spontanément attiré son attention et fait battre son cœur ?

Dans les semaines qui suivent, Camille est ennuyée. Elle pense souvent à Romain mais elle voudrait tout aussi bien l’oublier, l’effacer de sa mémoire. Après tout, elle n’est veuve que depuis que depuis très peu de temps et elle se sent coupable de ses propres pensées qui reposent surement sur quelque chose d’immoral, d’indécent, de choquant et déplacé.

Quand elle reprend son travail d’infirmière elle pense que tout est  rentré dans l’ordre et que le souvenir de ce curieux étranger va s’estomper très vite. Malheureusement, l’image de Romain est tenace dans son esprit. Un jour dans le réfectoire de l’hôpital, alors que personne ne le voit pas, elle croit l’entendre. Elle pense avoir des hallucinations. Pourtant, un soir, elle le croise à nouveau. Il est sur le parking de l’hôpital. Il vient d’avoir un petit accident complètement anodin. Consciencieuse et dévouée à son métier, elle le soigne. Au cours des soins, ils se parlent très librement.

Mais un doute s’impose dans  l’esprit de Camille. Que faisait Romain sur le parking de l’hôpital où elle travaille ? Nourrirait-il quelques intentions cachées ? N’y tenant pas, elle l’interroge. Il lui confie qu’en toute honnêteté, il venait voir l’une de ses élèves malheureusement malade et donc indisponible pour participer à un concours de danse très important pour lui. Camille comprend le souci de son vis-à-vis  et s’apprête à évacuer la question lorsque Romain lui indique qu’elle pourrait éventuellement lui rendre un immense service en acceptant de remplacer son élève. Sans qu’elle comprenne pourquoi, notre infirmière est subitement partagée. Elle n’est pas insensible au charme de Romain et l’idée de le revoir ne lui est pas indifférente.  Quelque part, elle se sent attirée par sa troublante proposition.  Mais comment pourrait-elle l’accepter sans entrainer de sévères jugements de la part de sa famille et de ceux qui l’entourent. Même si quelque chose vibre en elle quand elle est en présence de cet homme, en tant que jeune veuve, son acceptation pourrait paraitre tout aussi déraisonnable qu’inconvenante. Elle se fustige donc  aussitôt. Pourtant, et après une rapide analyse de la situation, elle réalise que son attrait pour Romain ne signifie pas nécessairement qu’elle est amoureuse de lui. Elle peut donc légitimement se demander pourquoi  elle refuserait une occasion de se changer les idées, de revoir ses priorités et de tenter de s’écrire une vie nouvelle. Indécise, elle reporte sa réponse.

C’est à ce moment précis que, bien que ne connaissant pas vraiment Romain, Camille va devoir faire un choix qui agitera profondément ses proches.  Les uns vont la pousser à revoir le jeune homme tandis que les autres vont largement s’y opposer  au nom de la morale et de la bienséance.

Ce roman aux personnages attachants pose, en toile fond, les questions du libre arbitre, de la normalité et du jugement des autres. Finalement il nous amène à essayer de comprendre Jusqu’à quel point l’Homme est véritablement  maître et conscient des motivations qui déterminent ses choix ?

 

 

                                                                Michel NOUGIER